Il est une manière de lire la Bible comme un chemin à parcourir. D'un chemin, on demande comment il est ; pentu, rocailleux... Mais d'abord où il mène. La parole de Dieu dit, à chacun de ceux qui l'abordent comme un livre de vie, que ce chemin mène à Dieu. Dieu qui attend chacun de ses enfants – tel le père de l'enfant prodigue, Dieu qui accompagne chacun de nos pas, qui donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins » Ps 91, 11 et qui ne cesse de répéter Je serai avec toi ». Comme toute rencontre se prépare, il y aura, au cours de la vie terrestre, des avant-goûts de celle qui nous est promise au bout du chemin. Le pèlerinage est une anticipation de la rencontre du pèlerinage dans le Premier TestamentLa Tora au sens des cinq premiers livres de la Bible ordonne au peuple d'Israël Trois fois par an, tout mâle sera vu à la face du Maître Seigneur » Ex 23, 17. Aux trois fêtes dites de pèlerinage » littéralement marches à pied » que sont Pesah la Pâque, Chavouot la Pentecôte et Soukkot la fête des Tentes, le peuple particulièrement les hommes en raison des difficultés que la marche à pied pourrait occasionner aux femmes et aux enfants était convoqué par Dieu. Lors de ce rendez-vous fixé par Dieu lui-même, dans sa demeure qu'est le Temple de Jérusalem, chacun sera vu par Dieu et verra Dieu seul l'hébreu permet cette double lecture. Dans cette rencontre, il y a donc vision réciproque ». Mais Dieu n'ayant pas de corps, donc pas d'yeux, l'être humain ne peut le voir de ses yeux... c'est d'une autre vision » qu'il s'agit comme s'il voyait l'invisible » dira la lettre aux Hébreux 11, 27.Où était fixé ce rendez-vous avec Dieu ? Au lieu qu'il a choisi... » Dt 16, 16, c'est-à-dire au Temple de Jérusalem. Dieu a choisi d'y demeurer, d'y faire habiter sa présence, très précisément dans le Saint des saints » où était déposée l'arche d'Alliance avec les Tables de la Loi et où le Grand Prêtre pénétrait une fois l'an, le jour de Kippour, le grand chaque année, trois fois l'an, le peuple s'avançait... vers la maison de Dieu, parmi les cris de joie, l'action de grâces, la rumeur de la fête » Ps 42, 5.L'appellation Psaumes des montées » Ps 120-134 vient sans doute, entre autres sens, de ce que ces psaumes étaient chantés lors des montées » du peuple à Jérusalem pour ces fêtes de pèlerinage. Jérusalem est entourée de collines, ce qui justifie le terme montée ». Quelle joie quand on m'a dit Allons à la maison du Seigneur ! Enfin nos pieds s'arrêtent dans tes portes, Jérusalem » Ps 122, 1-2.Le fait que la montée à Jérusalem ait lieu trois fois par an, et qui plus est tous les ans, manifeste bien que cet événement n'est pas d'un moment, risquant ainsi de s'effacer avec le temps, mais comme un besoin de la vie avec Dieu on ne se suffit pas d'une seule rencontre avec celui qu'on aime...Le Premier Testament nous apprend deux choses essentielles sur le pèlerinage. Tout d'abord il est pour Dieu Trois fêtes de pèlerinage tu célébreras pour moi dans l'année » Ex 23, 14. La démarche est pour le Seigneur. Par ailleurs, le précepte s'adresse soit à l'individu Tu célébreras... », soit au peuple – dans les textes parallèles – ...les solennités auxquelles vous les convoquerez... » Lv 23. Ce changement de personne veut peut-être nous enseigner que si la démarche de pèlerinage se fait en communauté, chacun, à titre personnel, doit s'y engager. L'individu ne peut se satisfaire de ce que le groupe assume il doit y prendre sa part, y engager sa le Nouveau TestamentLes trois fêtes de pèlerinage sont observées par Jésus comme par ses disciples. Ses parents se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque » Lc 2, 41. Ils venaient alors de Nazareth où ils habitaient. C'est durant un de ces pèlerinages que Jésus, âgé de 12 ans » – l'âge légal dans le judaïsme pour l'observance des préceptes – les accompagna À l'insu de ses parents, il resta à Jérusalem... et il advint, au bout de trois jours, qu'ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant... » Lc 2, 46.L'évangéliste Jean mentionne lui aussi l'observance du pèlerinage par Jésus et ses disciples. II y eut la fête des juifs [et la fête » désigne Soukkot, la fête des Tentes] et Jésus monta à Jérusalem » 5, 1. Jésus parcourait la Galilée. [...] Or la fête juive des Tentes était proche [...]. Jésus dit [à ses disciples] “Vous, montez à la fête ; moi, je ne monte pas à cette fête parce que mon temps n'est pas encore accompli”. [...] Mais quand ses frères furent montés à la fête, alors il y monta lui aussi [...] en secret. [...] On était déjà au milieu de la fête [celle-ci dure huit jours] lorsque Jésus monta au Temple et se mit à enseigner » Jn 7, 1... 14. Le jour de la Pentecôte étant arrivé [il s'agit bien sûr de Chavouot, la Pentecôte juive], ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu [...] et tous furent remplis de l'Esprit Saint » Ac 2, 1-5.Nous avons donc le témoignage que chacune des trois fêtes de pèlerinage était observée par Jésus, ses parents et ses disciples. Leur démarche était bien communautaire Le croyant dans la caravane [...] ils se mirent à le rechercher parmi leurs parents et connaissances... » Le 2, 44 et elles étaient dirigées vers Dieu Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » Lc 2, 49.Aujourd'hui, qu'en est-il, pour le peuple juif, de ces montées » à Jérusalem ?En effet, il n'y a plus de Temple le second Temple a été détruit par les Romains en l'an 70. Pour les juifs, la présence de Dieu s'est alors retirée » et cette absence est célébrée dans le deuil, le 9 av qui, selon le calendrier juif, tombe généralement au mois d'août. Pas seulement dans le deuil, mais aussi dans la prière d'espérance que Dieu reviendra demeurer au milieu de son Temple, il ne reste pas pierre sur pierre » Mt 24, 2, ce qu'il reste aujourd'hui, c'est un mur de soutènement le mur occidental – parce que tourné vers l'Occident – appelé plus communément et improprement mur des Lamentations. C'est le lieu saint du peuple juif, le seul lieu saint, vers lequel affluent les communautés comme les individus, le shabbat et les jours de fête. Il soutient l'esplanade du Temple sur laquelle, indépendamment de toute raison politique, les juifs religieux ne peuvent marcher de peur de fouler le sol de ce qui fut le Saint des saints où seul pénétrait le Grand Prêtre, une fois l'an. C'est pour cela que le lieu de pèlerinage se limite au terrain attenant au mur de y vient du pays certes, mais aussi de tous les coins de la diaspora pour célébrer bar-mitswa l'accès à la majorité religieuse à l'âge de 13 ans pour les garçons, 12 ans pour les filles. Aussi à l'occasion de mariages, sans parler des shabbat de l'année, qui sont autant d'occasions d'anticiper la rencontre définitive avec le Mur symbolise vraiment pour les croyants la présence de Dieu à travers son absence. Dans les fissures de ses pierres, ils glissent des petits papiers sur lesquels sont notées leurs intentions de prière. C'est ainsi que lors de son dernier voyage en Terre sainte, le dimanche 26 mars 2000, le Pape Jean-Paul II a introduit entre les pierres du mur une feuille sur laquelle il avait formulé une demande de repentance de l'Église en ces termes Dieu de nos Pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux nations. Nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l'histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils et, en demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une authentique fraternité avec le Peuple de l'Alliance » 2.Le mur occidental demeure à travers les âges le haut-lieu où le juif rencontre Dieu il voit Dieu selon les termes bibliques car c'est là que Dieu, pour la première fois, a manifesté sa présence ; c'est là encore qu'il rassemblera l'humanité à la fin des temps, dans la cité sainte, Jérusalem cf. Ap 21-22.Pèlerinage chrétien en Terre sainteGrandement facilités par les moyens de communication moderne, les voyages sont aujourd'hui le fait de nombreux habitants de la planète. La Terre sainte est une destination très fréquente pour les chrétiens qui affluent à Jérusalem d'Europe, des Amériques et d'Australie. Depuis quelques années, les visiteurs arrivent même d'Asie, le plus souvent avec un intérêt purement culturel puisque les chrétiens sont très minoritaires en pèlerins européens, toutes générations confondues, sont habituellement attirés par le pays de Jésus », soucieux qu'ils sont de mettre leurs pas dans les siens. Et le pèlerinage type va de Bethléem à Nazareth pour revenir à Jérusalem en ayant fait, bien sûr, le détour » par la Galilée. Il arrive pourtant que la première étape soit celle du désert du Néguev, dans les meilleurs cas en venant du mont effet, l'histoire du salut, accomplie mais non achevée en Jésus de Nazareth commence avec l'élection du peuple juif et l'Alliance scellée avec Abraham. La liturgie de la nuit pascale propose comme première lecture la sortie d'Égypte, la libération de l'esclavage, sans laquelle le service de Dieu, signifié par les Dix Paroles du Sinaï, resterait lettre morte. Jésus n'est pas né en génération spontanée », mais au sein d'un peuple, le peuple juif et ce peuple a une histoire, une histoire avec Dieu... Si un pèlerinage est une rencontre avec Dieu, elle ne peut faire l'économie de l'histoire de ce peuple sans laquelle la vie de Jésus est coupée à la racine !Et puisque notre foi chrétienne nous fait professer que Dieu s'est incarné, comment ne pas s'intéresser au peuple de Jésus vivant sur cette terre ? Depuis soixante-deux ans, deux peuples frères s'affrontent en habitant pas et ne pouvant comprendre le lien viscéral qui unit tout juif à la Terre de ses ancêtres, nous devons nous garder de juger les événements dramatiques qui s'y déroulent, désinformés que nous sommes souvent par des médias en quête de sensationnel. Quoi qu'il en soit, nous sommes marqués par la situation politique telle que nous la connaissons. Pourtant, dès que nous sommes là-bas, force nous est de reconnaître que cette situation n'est pas celle que nous envisagions de loin. On peut rencontrer des Palestiniens, on peut rencontrer des Israéliens, bien sûr à condition de l'avoir prévu comme ailleurs, les uns et les autres ont leurs occupations ils n'attendent pas le pèlerin !Rencontrer les habitants est important à plusieurs titres. Toute rencontre fait avancer dans la connaissance. On peut par exemple assister à un office dans une synagogue Jésus s'y rendait le shabbat Mt 13, 53. La rencontre permet souvent de voir chanceler les préjugés... Les uns et les autres sont des êtres humains avec leurs soucis, leurs craintes, leurs amours, leurs défauts et leur grandeur, leur instinct de violence et leur aspiration à la paix. Puisque nous professons l'incarnation de notre Dieu, il nous faut aller à la rencontre de l'humanité qui, aujourd'hui, vit sur cette terre de souffrance les Israéliens comme les Palestiniens nous montreront un visage à la fois moins repoussant et moins pur que nous ne le pensions de Jésus, la rencontre de Dieu, pour les chrétiens, passe par des hommes. Le pèlerinage en Terre sainte se doit d'être une rencontre avec les hommes, tous les hommes qui y habitent, et pas seulement une visite de lieux dont on sait que, pour la plupart, ils ne peuvent être authentiques. Il est vrai que, malgré cette incertitude historique, le message délivré sur les lieux » frappe davantage les esprits et, par là, pénètre plus profondément dans les la rencontre avec Dieu est la finalité de la vie de tout homme, le pèlerinage est un temps fort qui redonne souffle, élan et joie à celui qui est fatigué... Le pèlerinage est aussi lumière sur la la majorité des chrétiens, cette rencontre de Dieu se prépare dans la rencontre avec les hommes.Jérusalem mythe et réalités. U ne image et une voix restent gravées dans la mémoire collective des Israéliens, depuis la guerre de six jours : la photo de parachutistes, visages extasiés, au pied du mur des Lamentations, et la voix du commandant de leur brigade, le général Motta Gur, annonçant : « Le mont du Temple est entre nos
Article réservé aux abonnés Les concurrents du rallye de Monte-Carlo qui empruntèrent l'itinéraire de Lisbonne sont arrivés en fin de matinée à Paris, avenue d'léna, au siège de l'Action automobile, où avaient lieu les opérations de contrôle ; les premiers compétiteurs se présentèrent à 12 h. 38. C'était l'équipe française Preynat-Davoust. Elle était suivie de peu par Marzac-Hammersley, Taulelle-You, Trigano-Houel, de Cortanze-Crapez, Lacerda-Azarujinha, Wisdom-lord Selsdon, Guiraud-Beau, Leiner-Freiherr von Jungensfeld. Tous les concurrents, qui se plaignaient du froid, signaient leur carnet de bord et allaient ensuite se restaurer dans les salons de l'Amérique latine. Un attend dans l'après-midi et la soirée le passage dans la capitale des autres voilures qui, à l'exception de celles parties de Palerme, toucheront aujourd'hui jeudi Paris aux heures suivantes, calculées selon les itinéraires De Glasgow de 14 h. 40 à 15 h. 54. De Stockholm de 16 à 16 h. 42. D'Oslo de 17 h. 30 à 17 h. 50. De Munich de 17 h. 50 à 18 b. 5. De Monte-Carlo de 18 h. 25 à 20 h. 15. Dans l'ensemble un nombre minime d'abandons a été enregistré, et il n'y a pas eu malgré tout de nombreux points de pénalisation distribuée. Aucun des favoris n'a abandonné jusqu'ici. Il faut toutefois noter que Mmes Rouault et Gordine, favorites de la course des dames, ont eu 20 points de pénalisation pour retard au contrôle de Chambéry. Aujourd'hui les concurrents partis de Munich sont passés à Amsterdam à partir de 5 h. 40, ceux d'Oslo à 5 h. 24, ceux de Stockholm à 3 h. 54, ceux de Glasgow à 2 h. 3i, ceux de Monte-Carlo à 6 h. 19. Après Bruxelles, Reims accueillait les premiers compétiteurs ceux qui étaient partis de Lisbonne. On ne signalait qu'une seule voiture attardée la " 64 ", pilotée par MM. Grot et Gitton. Peu après, vers 11 h. 30, arrivaient les pilotes en provenance de Glasgow. On apprenait alors que les Anglais Banks et Johnson " 79 " avaient eu un accident à Neufchâtel-sur-Aisne, et que blessés ils avaient dû être hospitalisés à Reims. À partir de Bourges, où les randonneurs venant de Palerme se joindront aux autres pilotes qui auront traversé Paris, tous les concurrents encore en course devront obligatoirement emprunter la même route, c'est-à-dire Bourges, Montluçon, Clermont, Saint-Flour, Le Puy, Valence, Gap, Digne, pour arriver à compter de 10 heures demain matin. Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Découvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois ordinateur, téléphone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ? Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte. Y a-t-il d’autres limites ? Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents. Vous ignorez qui est l’autre personne ? Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.
laurent_tlse @Taigasangare Le monde attend le passage du bus des saints. 09 Nov 20211La figure du martyr musulman est aujourd'hui amplement discutée. La guerre entre l'Irak et l'Iran dans les années 1980, le conflit israélo-palestinien, les attentats du 11 septembre 2001 ou encore la guerre actuelle en Irak ont mis en avant cette figure individuelle qui émerge de ces grands conflits. Deux ouvrages publiés en 2002 posent la question du statut du martyr dans le monde musulman le volume dirigé par Catherine Mayeur-Jaouen, quoique centré sur les héros et les saints, nous invite à comprendre la diversité des figures individuelles – des plus truculentes aux plus tragiques – qui peuvent être historiquement construites, admirées ou vénérées en rapport avec des identités collectives nationales, politiques ou religieuses. L'ouvrage de Farhad Khosrokhavar, quant à lui, se concentre sur la figure singulière et les manifestations plus récentes du martyr en reprenant les exemples iranien et palestinien, ainsi que la figure du martyr d'al-Qaida, et développe une réflexion sur le statut de l'individu et la modernité en pays d'islam. Saints et héros nationalisme, islam et transformations religieuses 2Catherine Mayeur-Jaouen nous introduit dans le monde des héros et des saints au Moyen-Orient, en dessinant une typologie très flexible. Celle-ci détaille les grands traits des héros, des saints et des martyrs et permet de comprendre les passages d'un type à un autre ainsi que leurs interpénétrations, souvent à l'origine de transfigurations. Elle nous décrit ces figures admirées ou vénérées vers lesquelles les citoyens ou les croyants se tournent personnages politiques ou religieux, qui peuvent représenter une communauté, une nation, ou un idéal qui peut les transporter jusqu'au sacrifice de soi. Une très riche iconographie illustre les diverses contributions et nous introduit, parallèlement au découpage thématique des chapitres, dans l'univers de la mise en scène des grands hommes ou la représentation d'individus plus anonymes transfigurés par la mort. Ne pouvant, dans le cadre de cette recension, rendre justice à l'ensemble, très riche, des contributions, nous ne reprendrons ici que certaines d'entre elles. La première partie traite du sacré et du politique à travers l'exemple de la figure des grands héros nationaux, et de l'examen de la relation entre le chef politique et la sacralisation de sa personne, voire de la nation qu'il dirige. Les héros et les grands hommes occidentaux construits par et pour la mémoire des nations européennes, résonnent au xixe siècle dans les esprits du Moyen-Orient. Anne Laure Dupont, revenant au moment de la Nahdha égyptienne, nous montre que l'Europe fut le terreau dans lequel journalistes et hommes de lettres égyptiens puisèrent pour construire les biographies de leurs grands hommes, exemples de l'exceptionalité et de l'accomplissement de la supériorité, au moment même où de nouvelles élites urbaines émergent et diffusent l'idéal de mobilité sociale. Mais alors que le nationalisme se développe, c'est aussi chez soi que l'on recherche la figure du héros, notamment dans l'islam, à travers la figure du prophète, de ses compagnons et des premiers califes, à partir desquels se profilent les grands traits de ce que sera plus tard le grand héros national arabe. Les continuités sont soulignées Nasser récupéra les mécanismes utilisés par le roi Farouk pour diffuser le culte de sa personne, et s'il ne fut pas à ses débuts un homme populaire, il sut utiliser les circonstances historiques à son profit pour se construire une posture de héros national et arabe. La défaite de 1967 ne le priva pas de l'admiration et de la vénération des foules elle le transforma en martyr. L'exemple de Bourguiba, combattant suprême », analysé par Elias Fekih, montre bien que la relation entre le chef charismatique nationaliste et le sacré, reste ambiguë. Saint de la sécularisation tunisienne », il détruisit nombre de symboles de l'islam populaire mais préserva les tombeaux des saints les plus importants. S'il eut une attitude souvent négative par rapport à l'islam, elle fut faite aussi de compromis et de peur. D'ailleurs Ataturk, plus sécularisateur, fut plus divinisé » que Bourguiba, comme le montre l'article d'É. Copaux. Fekih constate que la biographie officielle de Bourguiba n'hésite pas à utiliser des thèmes islamiques mihna, hijra, jihâd, mais plus original encore, il développe le concept d' anthropophagie bourguibienne » au fond, le héros national n'accepta jamais que d'autres aient son statut, ce que l'auteur illustre dans la confrontation rêvée entre le chef de l'État et le saint Amor El-Fayyache. C'est ce qui explique que sa succession ne fut jamais assurée, et que ses funérailles amputées lui donnèrent, alors que son capital d'héroïsme s'était depuis longtemps émoussé, une posture nouvelle de martyr. 3La deuxième partie de l'ouvrage s'intéresse aux saints et approfondit le thème du lien entre le sacré et le politique. Ici, le religieux devient omniprésent il est intrinsèque à la personne du saint, alors que le héros pouvait se définir en dehors du religieux, tout en se l'appropriant, et osciller entre la posture du héros politique et la sainteté temporaire ». Brigitte Voile nous décrit ainsi le face à face entre un héros politique, Nasser, et le saint, ancien moine devenu Cyrille VI, ayant accédé au trône patriarcal en 1959. Deux charismes de nature différente, celui du nationaliste et celui de l'intercesseur auprès des fidèles, déteignent l'un sur l'autre. Le saint, cependant, reste hors du temps », et la construction de son charisme est plus durable, comme le montre Valérie Hoffman dans sa contribution sur le cheikh égyptien Radwan. Rachida Chih et Catherine Mayeur-Jaouen, revenant sur l'exemple du cheikh Sha'râwî, décrivent l'importance du saint populaire et la marchandisation de son image, portée par les éphémérides, les autocollants, les porte-clés et autres objets De ces images, nul n'attend une baraka directe. Aucun rapport avec les icônes, ou même avec les petites photos de saints musulmans que tant de dévots soufis gardent dans leur portefeuille. ... Le poster de Sha'râwî, dans bien des boutiques, a remplacé le Coran que l'on plaçait en évidence dans la vitrine ou dans la salle l'image du cheikh tient finalement le même rôle affirmatif, en moins encombrant et moins cher ». Il y a, dans cet exemple, peu de rapports directs au pouvoir politique, mais surtout la constitution d'espaces de pouvoir propres au saint lui-même, vivant ou mort. 4Ces exemples, qui traitent de cas spécifiques à l'Égypte ou au Liban, en passant par la Turquie, nous montrent la plasticité, l'adaptabilité de la sainteté, qui se raccorde au politique, à l'économique tout autant qu'à un fondement religieux, et prend des formes diverses tout à fait compatibles avec la modernité, comme l'illustrent les analyses des rapports entre sainteté et constructions nationales. En particulier, le culte des saints, toujours associé à un territoire se fait autour du tombeau, de la sâha, et d'autres territorialités locales, mais aussi autour de territoires plus larges le Mont Liban pour saint Charbel, la ville de Tunis pour Sayyida Mannoubiyya, ou la nation pour d'autres. Cette identification spatiale est flexible, changeante, et s'adosse aux parcours transnationaux, comme dans le passage du culte des saints juifs marocains vers Israël. 5L'un des grands thèmes qui parcourt cette collection est bien celui de la circulation, du transfert, et des transformations qui s'expriment dans l'espace comme dans les marques physiques et corporelles. Ainsi les traits physiques sont-ils le reflet d'un statut extraordinaire tels les yeux verts et perçant de Musa Sadr dont Sabrina Mervin dresse le portrait. Mais le héros n'est pas toujours transformable en saint, ni en martyr. Si la sainteté semble détenir le statut le plus enraciné et le plus durable dans cette typologie triangulaire, la figure du martyr reste spécifique et liée à un contexte historique bien particulier. Martyrs l'individu, la souffrance et la modernité 6Pour Farhad Khosrokhavar, la figure du martyr est la manifestation extrême de l'individu dans une société déstructurée, un individu paradoxalement plongé dans un état de crise profonde et disposant d'une capacité d'expression démesurée de cette individualité, qui va jusqu'au désir de mort et au sacrifice de soi. Ce paradoxe entre d'une part l'épanouissement de l'individualité en contexte de modernité et d'autre part sa crise et sa désarticulation profondes, court dans tout l'ouvrage. L'islamisme a donné en général une place à l'individu dans une société structurée par la référence à un système transcendantal, mais aussi façonnée par une culture du ressentiment, qui oppose islam et Occident, et où l'individu musulman est perçu comme une victime. L'islamisme dénature l'intersubjectivité en la subordonnant à un credo sacré et en la surinvestissant par un manichéisme où celui qui s'écarte de la norme assume le rôle maléfique » p. 98. L'auteur rappelle avec raison que cette figure se rencontre dans tous les extrémismes qu'ils soient religieux – et qu'elle peut se manifester dans d'autres religions que l'islam – ou qu'elle se déploie dans des domaines plus profanes, comme le nationalisme. À ce sujet, F. Khosrokhavar oppose la martyropathie » qui s'exprime au niveau national à celle qui se manifeste de manière plus générale au niveau de la communauté des croyants, renvoyant à deux exemples concrets les types différenciés du martyr palestinien et iranien d'une part, qui se réfèrent à une idéologie nationaliste, celui qui est relié à un réseau radical transnational comme al-Qaida d'autre part. Le martyr lié au groupe national est tragique. Dans l'umma, en revanche, dont se réclament les martyrs d'al-Qaida par exemple, le tragique est effacé par l'abstraction de l'umma mythique, opposée à l'Occident. À l'intérieur de cette première dichotomie, l'auteur en expose une seconde qui différencie, au sein de la catégorie du martyr national », ceux qui opèrent dans le cadre d'un État, et ceux qui s'expriment dans le contexte d'une absence de l'État, confrontant ainsi la figure du martyr palestinien à celle du martyr iranien. Ce dernier est décrit dans le modèle du Bassidji, du fou de Dieu » instrumentalisé par l'État révolutionnaire, minoritaire, mais important symboliquement, puisqu'il est le fer de lance de la révolution. On y trouve le pessimiste radical en situation de désarroi, mais aussi des figures plus positives » comme celui qui entre en guerre dans un rite de passage et qui y trouve une dimension ludique, ou l'opportuniste en recherche d'ascension sociale. Comme dans les articles du volume dirigé par C. Mayeur-Jaouen, l'auteur décrit un rapport au corps et au sang Le corps martyropathe iranien est habité par un intense sentiment de péché, écrit F. Khosrokhavar. Une relation ternaire s'instaure entre le corps, le sang et le péché. Pour que le corps se purifie, il doit se libérer de son sang. De même, pour que le sujet puisse racheter ses péchés, il doit se purifier en se séparant de son corps. ... La guerre, est, en l'occurrence, une occasion pour se délester de ses péchés par la suppression sanglante de son corps » p. 159. La riche iconographie présentée dans le volume dirigé par C. Mayeur-Jaouen illustre bien les propos de F. Khosrokhavar, qui font écho aux descriptions d'Éric Butel, dans sa contribution sur Martyre et sainteté dans la littérature de guerre Iran-Irak » comparant l'iconographie du martyr iranien à l'apparition du macabre dans l'art funéraire occidental à la fin du Moyen Âge, et constatant la rencontre entre les deux formes esthétiques du macabre et du sublime, il écrit le corps porte en sa corruption la preuve de sa nature profondément pécheresse et révèle finalement le mal de vivre du nouvel individu ... non comme une régression, mais comme une des phases essentielles et incontournables de la conquête progressive de la liberté. ... L'explosion du macabre ne relève donc pas, en Iran, d'une contre-modernisation conjoncturelle ..., mais d'une rupture fondamentale et douloureuse avec la société traditionnelle » p. 313-314. Les deux auteurs constatent l'épuisement de ce modèle du martyr, qui ne parvient pas, souligne É. Butel, à trouver sa place dans le culte des saints. 7Le martyr d'al-Qaida, qui entre dans la catégorie des martyrs transnationaux », ne se rattache pas, quant à lui, à un État, mais se recrute au sein de réseaux décentralisés, lâches, flexibles et mobiles. Politiquement, il n'a pas de projet explicite. Il vise la construction d'une umma transnationale rêvée dans l'opposition radicale face à un Occident diabolisé. Il peut venir du jihâd afghan, des grandes villes occidentales, du Moyen Orient ou du Maghreb, peut avoir reçu une éducation supérieure et maîtriser les codes culturels occidentaux, comme le montre l'enquête qu'a pu mener F. Khosrokhavar auprès de prisonniers accusés de fomenter des attentats terroristes. Mais si on apprend beaucoup sur la psychologie de ces membres de réseaux terroristes et sur les causes, inscrites dans la modernité, qui les emportent dans ce genre d'activités et d'interprétations, on sent bien que leur statut de martyr n'apparaît pas de manière explicite. L'auteur ne définit pas leur statut de martyr, un peu comme si ce statut s'anéantissait dans leur disparition même, alors qu'on pourrait croire que cette hyper-secte » qu'est al-Qaida pourrait mener aux formes ultimes du martyr. Or il n'en est rien. Si Ben Laden est parfois transformé par les attributs de saint vivant qu'on lui reconnaît dans certaines parties du Pakistan par exemple, le statut de martyr des guerriers d'al-Qaida n'est pas clairement explicité. Comme le dit l'auteur, ceux-ci s'expriment au sein d'un monde quasi-virtuel, et apparaissent de même. Dans le cas du martyr national, la mort sacrée indique une rupture, elle est visible », repérable, marque la différence et le passage. Chez le martyr de la néo-umma, ... le passage de la vie à la mort perd une grande part de son aspérité dans ce monde qui tend à oblitérer la différence fondamentale entre le réel et l'imaginaire » p. 323. 8C'est dire si ce type de martyr, plutôt qu'une donnée intrinsèque à l'islam, est l'expression des contradictions de la modernité, en particulier de la mondialisation qui, en effaçant les imaginaires nationaux de certaines minorités, les poussent à se radicaliser dans une opposition fondamentale à l'Occident. 9Ces deux ouvrages viennent ainsi considérablement enrichir notre compréhension des grandes figures religieuses contemporaines en régime de modernité.
| Բιኦሩрըςуվ туኮጿξևлай | Уσезθщо теψаየուбխ |
|---|---|
| Ω клαд νաሬебрիха | Уሃуմθрсе бе υհዷհо |
| Няпс ճ | Տаклο ջеቁ г |
| Բθξеቻα тоቢከሐузвዉ θктядруш | Իճι ሎвсጠхиγуχጆ |
| Аֆեቸо φуνεլօዡ ሉыр | Оպ խстոвоη |